Mai 2012
Le monde de… Moynat
Marie Le Fort
Racheté par le groupe Arnault (holding privée de Bernard Arnault), le célèbre malletier Moynat renaît de ses cendres. Née en 1849, la luxueuse maison accompagnera, au tournant du siècle dernier, toutes les premières innovations – à commencer par celles de l’automobile et de l’incroyable aventure des transports – avant que ses malles courbées sur-mesure ne deviennent indissociables des plus belles berlines et destinées. Retour sur un mythe bien réel, qui reprend racine sur la très parisienne rue Saint-Honoré.
C’est l’histoire d’un malletier qui renaît comme une œuvre posthume, remise au goût du jour par la plume d’un écrivain-créateur, Ramesh Nair (qui affina son talent au sein de la maison Hermès avant de rejoindre Moynat). C’est l’histoire d’une tradition oubliée qui trouve, un siècle plus tard, un sursaut de modernité. Car les vrais classiques ne se démodent pas : a contrario, ils sous-tendent un regain de créativité. Aspirent à être repris, repensés car il sont le pur produit d’inventeurs esthètes. Pauline Moynat était ainsi, attentive au moindre détail, espiègle dans son envie de créer « les plus beaux bagages » de son temps. Un pari qu’elle remportera dès le milieu du XIXe siècle. En s’émancipant, la maison s’arroge un style qui la distinguera, début XXe, des autres malletiers.
Un profil sinueux ou courbé pour coller au plus près des carrosseries. Adaptées sur mesure à chaque véhicule (couleur comprise), les malles rivalisent de formes nouvelles, souvent brevetées. « En 1907, le catalogue comporte déjà 170 références », explique Guillaume Davin, directeur de la marque. « L’art de vivre s’y manifeste dans tous les domaines. Ainsi le coffre repose-pieds peut contenir un chapeau haut de forme ou un caisson-buffet mobile, assimilable à un nécessaire de pique-nique sophistiqué avec réchaud, couverts et napperons ». Allant toujours de l’avant, à la manière des courses automobiles qu’elle suit de près, la maison collectionne les distinctions lors des expositions universelles, rafle 14 médailles et obtient – lors de l’exposition internationale des Arts Déco de 1925 – le diplôme d’honneur pour une célèbre malle rouge cloutée dessinée par Henri Rapin.
Dans cet élégant sillage, Moynat rime aujourd’hui avec luxe non-conventionnel. Si les portefeuilles se doublent de cuir à l’intérieur des encoches (peut-on être plus puriste ?), certains sacs sont tellement irréprochables qu’il se paient le luxe d’être réversibles ! Plus loin, les peaux les plus rares gainent au plus près les courbes onctueuses des sacs empruntées aux malles limousines. La palette de couleurs ensorcèle, à son tour, par sa justesse – havane, taupe, vermillon, bleu nuit, noir jais, gris tourterelle – tandis que les fermoirs cliquètent divinement, non sans faire écho au bruit des belles mécaniques.
Présentés dans un nouvel écrin dessiné par le français installé au Japon Gwenaël Nicolas, les accessoires s’entourent d’une aura lumineuse. De près comme de loin, le regard les dévore, cherchant la faille, sans jamais la trouver…
Légende photo entête : Conçues sur-mesure pour épouser le toit des automobiles, les valises Limousine étaient l’une des spécialités de Moynat au début du XXe siècle.