20 Mai 2016
Le Monde de Nathalie Decoster, sculpteur
Elle se joue du stress et des obsessions de l’homme moderne en posant ses sculptures comme des graines pour féconder les esprits, offrir une pause méditative incitant à cueillir l’instant. Installée à Aubervilliers dans une ancienne usine, Nathalie Decoster fond ses « petits bonhommes » de bronze à deux pas des tours de la Défense. A partir du 3 juin et pendant l’été, Saint-Paul de Vence exposera une œuvre monumentale intitulée « Concrète » : au milieu d’un bloc de béton, un personnage marche, symbolisant l’énergie des hommes capables parfois de soulever des montagnes. « Question de volonté » dit-elle.
Il y a dans les sculptures de Nathalie Decoster une énergie débordante, positive, cette même énergie que dégage le personnage lorsqu’on la voit, l’écoute, avec sa belle crinière de lionne et son regard perçant.
Nathalie Decoster va de l’avant, bien campée sur ses deux jambes, droit devant comme son personnage marchant dans la roue du temps d’un pas –de géant- sûr et décidé. En France, en Chine, au Brésil, aux Emirats, à Londres, au Liban… « Le temps qui passe » sillonne les routes sans que rien ne l’arrête. Plus qu’un enfermement, ce cercle, cette roue –dans laquelle marche le personnage un peu comme un hamster- matérialise plutôt la vision positive d’un être qui, pris dans le cycle de la vie et de la mort, ne doute pas, car ce n’est pas la destination qui compte mais bien le chemin. Le thème est profond mais le traitement formel déborde de gaieté et d’espoir.
Le corps de ses personnages regorge de vie et de mouvement, d’équilibre, de vitalité. Son personnage, qu’elle nomme « petit bonhomme », est son fidèle messager.
D’ailleurs il ne la quitte pas, accroché à de son cou en médaillon de bronze, du même métal que ses sculptures monumentales. L’artiste adore observer la relation qu’entretiennent ses sculptures avec le paysage, la nature, les montagnes, les villes. L’environnement devient une partie de l’œuvre, indissociable, comme si chaque œuvre devait toujours inexorablement trouver sa juste place. Preuve que son approche philosophique de la condition humaine, est vraiment universelle! Elle aime revêtir une combinaison de chantier, parfois blanche, parfois orange vif, qui renvoie aux prisonniers de la prison américaine de Guantanmo à Cuba, ou d’Abhou Graib en Irak, clin d’œil à cette condition humaine enfermée dans son corps avant de l’être dans des murs ou une roue. « La vraie histoire ? La blanche est une combinaison d’ouvrier dont les nombreuses traces racontent les heures de travail. La orange vient de Shanghai : je l’ai achetée dans un marché où les paysans des campagnes qui viennent chercher du travail en ville s’équipent de vêtements d’occasion pour un sou symbolique. Quand j’enfile ma combinaison, je me transpose dans la peau d’un artiste, qui rentre dans sa bulle et se met instantanément au travail ».
Nathalie Decoster a installé son atelier dans une ancienne usine à Aubervilliers, derrière La Défense. Un lieu de travail aménagé en lieu de vie, dont la porte est toujours ouverte pour les visiteurs.
Un décor industriel, des matières brutes, du béton du métal, des œuvres, des robes sur un cintre accroché au mur, et un poêle à bois dans chaque pièce, pour la chaleur. Elle aime le mobilier détourné, les objets qui ont vécu. Dans la cuisine, quasiment professionnelle, deux tables et des chaises, en bois et en métal, jouent le chaud et le froid, les sensations contradictoires. Comme son caractère, à la fois solitaire et sociable, chaleureux et grave, avec légèreté.
Côté travail, en amont, elle s’enferme dans son atelier à l’abri du tourbillon de la vie moderne…
Lorsqu’elle ne travaille pas ses thèmes de façon structurée, ce qu’elle le fait le plus souvent, il lui arrive de se livrer à ce qu’elle nomme des « pulsions », une façon de créer en légèreté à partir d’idées qui fusent « comme une évidence » dit-elle. « Ces idées arrivent alors que je me trouve dans un état « semi conscient ». C’est alors pour moi un plaisir indescriptible que de me livrer à ces « sculptures spontanées » au résultat qui me surprend moi-même! ». Pendant la phase de production, elle reçoit son fondeur pour des réunions hebdomadaires sur les aspects techniques, les pièces en cours de réalisation –selon la technique de la cire perdue- ainsi que ses proches équipes pour la logistique de ses expositions, ou la recherche de nouvelles techniques de travail, de nouveaux matériaux. « Si les moments de solitude sont indispensables, le partage est quelque chose d’essentiel dans la vie », dit elle!
De ce vaste hangar aux espaces en enfilade, ses petits bonhommes, une fois polis, s’échappent vers des espaces de liberté, des villes, des bâtiments, ou des sites naturels d’une beauté extraordinaire : les sommets Rochebrune et du Mont d’Arbois à Mégève, les collines d’Ostapé au Pays Basque, les jardins de l’Abbaye de la Celle dans le Var, le château fort de Bonaguil dans le Lot-et-Garonne…jusques dans le cadre idyllique du lac de Côme en Italie.
Depuis ce printemps et jusqu’à la fin de l’été, l’hôtel Villa Lario offre un écrin extraordinairement raffiné aux sculptures de Nathalie Decoster à travers un parcours monographique d’oeuvres monumentales.
Du haut de la montagne jusqu’au lac, d’anciennes maisons ont été restaurées avec un partis-pris contemporain et minimaliste dans la décoration intérieure privilégiant le regard sur le lac. Entre ciel et eau, dans les jardins de la villa, de la piscine à débordement se confondant avec le lac, en passant par le jardin de la maison de maitre avec balustrade à l’italienne, à l’ombre des palmiers ou des cèdres, à l’intérieur de chaque suite, une oeuvre différente et secrète se laisse découvrir. Ce lieu de grande beauté permet d’aborder ces oeuvres sur la condition humaine dans la quiétude. A l’automne, les œuvres voyageront vers d’autres lieux, non sans avoir accompli leurs bienfaits et délivré leurs codes d’accès à la sérénité.
3 juin -31 aout : « Concrète » sculpture monumentale exposée à Saint-Paul de Vence.
http://www.saint-pauldevence.com/
Parcours de sculpture à l’Hôtel La Villa Lario sur le lac de Côme en Italie, du printemps jusqu’à fin octobre 2016.
www.villalario.com/facilities/pool/